
L’ancien Premier ministre français, Dominique de Villepin, a formulé une critique virulente à l’encontre du gouvernement français et de sa gestion des enjeux diplomatiques majeurs, en particulier concernant les relations avec l’Algérie. Il a dénoncé les provocations du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qu’il accuse de “mépriser” l’histoire commune et les liens profonds unissant les deux nations.
Par G. Salah Eddine
Une diplomatie réduite à des formules simplistes
“Quelque chose qui m’afflige tous les jours, c’est la façon dont les grandes affaires diplomatiques sont traitées aujourd’hui par les hommes politiques français par Twitter, en quelques phrases”, a déclaré M. de Villepin dans une interview accordée à Mediapart, diffusée sur le compte YouTube du média.
Il a particulièrement critiqué les propos de Bruno Retailleau appelant à “dénoncer l’accord de 1968 avec l’Algérie”. Réagissant avec indignation, il s’est interrogé : “Quand on a l’histoire que nous avons avec l’Algérie, est-ce qu’on peut la ramener à une formule comme celle-là ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Il faut supprimer l’accord de 1968 ? C’est ça une diplomatie ? C’est ça une politique vis-à-vis d’un pays avec lequel nous sommes liés par la culture, par l’histoire, par la géographie, et par le peuple ?”
Cette réduction des relations historiques à des slogans simplistes, selon lui, trahit une approche superficielle et contre-productive.
Une critique du langage de la surenchère
Pour Dominique de Villepin, l’actuelle pratique diplomatique, marquée par la recherche de la provocation et des positions de fermeté, est inadaptée aux enjeux du monde contemporain : “On ne peut pas aujourd’hui prétendre parler au monde en employant uniquement le langage de la surenchère. Il s’agit d’appuyer sur une touche pour dire surenchère : exclure, éloigner et marquer de la fermeté. Ce sont des marqueurs politiques dans une société où l’on progresse dans les sondages, dans les vues et les likes, parce qu’on emploie les bons marqueurs.”
Une défense affirmée de l’Algérie face aux campagnes de désinformation
Les déclarations de Dominique de Villepin s’inscrivent dans un contexte où de nombreuses voix, en France, s’élèvent pour dénoncer les campagnes de désinformation orchestrées par l’extrême droite à l’encontre de l’Algérie.
Pour illustrer cela, rappelons par exemple les paroles de Mathilde Panot, députée de La France insoumise (LFI), un parti de gauche. Lors d’un débat sur la politique générale, elle a vivement dénoncé les déclarations du ministre de l’Intérieur français, qualifié de “piètre agitateur” pour ses provocations ciblant l’Algérie. “Votre ministre de l’Intérieur s’est illustré par ses déclarations racistes en qualifiant une partie de nos concitoyens de Français de papier”, a-t-elle fustigé lors de ce débat.
Catherine Tricot, directrice de la revue Regards, a également réagi aux provocations en affirmant que la France “ferait bien de se calmer et de considérer ses relations avec le monde”.
Ce plaidoyer en faveur d’une approche plus respectueuse et réfléchie témoigne d’une prise de conscience sur les enjeux globaux et les relations historiques entre nations.
Ségolène Royal, ancienne ministre, a pour sa part évoqué récemment la “dette morale” de la France envers l’Algérie, en référence aux crimes commis durant la période coloniale. Ses propos s’ajoutent à ceux du parti La France insoumise, qui continue de critiquer fermement les responsables français ayant multiplié les attaques à l’égard de l’Algérie.
Par ailleurs, la Fédération franco-algérienne de consolidation et du renouveau (FFA) a exprimé sa “plus vive indignation face à la campagne politico-médiatique dirigée contre l’Algérie et les Algériens.” Cette réaction reflète une exaspération croissante au sein des organisations de défense des relations franco-algériennes, face à ce qui est perçu comme une tentative de stigmatisation injustifiée.
Ces voix dissidentes, issues de divers horizons politiques et sociaux, convergent vers un même constat : les relations franco-algériennes, bâties sur une histoire complexe et des liens profonds, méritent d’être abordées avec responsabilité et dignité. Les provocations, loin de favoriser le dialogue, risquent de ternir durablement une relation stratégique et humaine essentielle.
G. Salah Eddine