Fares Mesdour, docteur économiste, à Alger16 : «Une solution pour les personnes souhaitant gagner leur vie de manière claire et sans aucune ambiguïté»

Dans un contexte économique qui occupe une place prépondérante, une nouvelle loi sur la micro-importation vient redessiner les contours du commerce en Algérie. Initiée dans une volonté d’inclusion économique, cette mesure vise à encadrer le commerce de valise, longtemps exercé par de jeunes importateurs en dehors des circuits officiels. Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de cette réforme, nous avons interrogé le Dr Fares Mesdour, économiste. Il revient sur les motivations du gouvernement, les effets attendus sur l’économie nationale, les circuits parallèles d’importation ainsi que l’impact possible sur les prix à la consommation. Un échange franc autour d’une loi qui marque un tournant entre encadrement rigoureux et ouverture économique.

Entretien réalisé par Ammour Ryad

Pouvez-vous nous expliquer les grandes lignes de cette nouvelle loi sur la micro-importation ?
Paix, miséricorde et bénédiction de Dieu sur vous. dans une émission à la télévision, nous avons évoqué la situation des jeunes qui partent à l’étranger. Nous avons exprimé notre souhait qu’ils ne soient pas dans la peur, qu’ils puissent commercer librement et s’intégrer parmi les opérateurs économiques. La présidence de la République a réagi favorablement et accepté de leur attribuer un registre de commerce spécifique. Ainsi, une loi sur le “petit importateur” a été promulguée, leur conférant le statut de “petit entrepreneur”, afin qu’ils puissent importer comme auparavant, mais cette fois-ci de manière légale, sans crainte ni des douanes, ni des impôts, ni des services de sécurité. Cette loi permettra d’organiser le commerce de valise (ou commerce informel de petite importation) de manière rigoureuse. Cela nous permettra au moins d’avoir des données statistiques fiables sur ce type de commerce, qui a un impact réel sur la balance commerciale et les paiements extérieurs de l’Algérie.

Quelles sont, selon vous, les motivations économiques du gouvernement derrière cette nouvelle législation ?
En réalité, cette loi permet, tout d’abord, d’organiser un aspect très important du marché parallèle. Deuxièmement, elle contribue à réduire le désordre commercial, notamment concernant les produits étrangers, en particulier le commerce de valise. Troisièmement, nous avons l’obligation d’organiser ce marché parallèle de manière à le faire entrer progressivement dans le circuit officiel. Avec le temps, d’autres secteurs de ce marché parallèle seront également couverts par des lois qui visent à établir une sorte de réconciliation entre l’économie informelle et l’État.
Un autre point important : ce marché doit être placé sous la surveillance des autorités officielles, car ce type de commerce peut couvrir toutes sortes de produits. Cela peut commencer par des chocolats et aller jusqu’à des médicaments rares ou des compléments alimentaires que ces commerçants ramènent parfois.
Le troisième point, que je considère aussi très important, c’est qu’il faut disposer de données statistiques numériques réelles sur les jeunes chômeurs qui se déclarent comme tels, alors qu’ils sont en réalité des commerçants pratiquant le commerce de valise. Ce point est essentiel, surtout en lien avec la base de données que nous avons constituée pour l’allocation- chômage, afin que seuls ceux qui y ont véritablement droit puissent en bénéficier.

Quel sera l’impact de cette loi sur l’économie informelle et les importations parallèles ?
Il faut considérer que le commerce de valise est un commerce à part entière. Imaginez que ces jeunes prennent avec eux d’autres jeunes chômeurs, chacun transportant avec lui 7.500 euros. Si cinq personnes voyagent ensemble, cela représente déjà une somme considérable. Cela permettra, d’une part, un meilleur contrôle des transferts de devises vers l’étranger, et nous pourrons connaître, d’autre part, le montant réel des devises emportées par ces jeunes pour faire du commerce à l’étranger. Par ailleurs, cela permettra un meilleur encadrement des marchandises, car tant que le commerce de valise reste informel, il échappe à un contrôle rigoureux. Peu importe combien ils sont, certains passeront toujours entre les mailles des filets des autorités. Nous faisons donc face à un système complet et intégré, qui peut apporter une forme de transparence au commerce international, en particulier au petit commerce international.
Et quand on dit “petit”, il suffit de regarder les jeunes qui partent en Turquie, qui est une destination phare pour le commerce de valise : les montants en jeu sont très importants et, malheureusement, nous ne prêtons pas suffisamment attention à cette réalité. J’ajouterais aussi qu’il faut permettre l’élargissement du champ de ce commerce à d’autres domaines liés à la vie économique des citoyens.
Il est également important de souligner qu’il y a une pénurie réelle de nombreux produits qui étaient auparavant importés par les grandes filières d’importation. Or, ces jeunes commerçants peuvent justement combler une partie de cette demande, en apportant des marchandises nécessaires aux opérateurs économiques locaux grâce à leur activité commerciale.

Quel effet cette loi pourrait-elle avoir sur les prix à la consommation ?
Lorsqu’un commerce est transparent, clair, et qu’il s’exerce en toute sérénité, sans crainte ni contrôle excessif ni injustices auxquelles ces jeunes étaient auparavant confrontés, cela conduit naturellement à une disponibilité accrue des produits. Et cette abondance contribue à une baisse ou à une stabilisation des prix de ces produits, qui, auparavant, se distinguaient par leur coût élevé. En réalité, ces jeunes importent toutes sortes de marchandises étrangères recherchées par le consommateur algérien, qui devait autrefois les acquérir à des prix exorbitants. Aujourd’hui, ces produits deviennent accessibles à des prix raisonnables, grâce à une concurrence accrue et à la possibilité pour chacun d’importer librement selon ses moyens.
Nous sommes donc face à un nouveau système qui permet d’officialiser un vaste marché que nous sommes pleinement capables d’organiser, étape par étape. Et sincèrement, lorsque j’ai proposé cette initiative, mon intention était que ces jeunes ne soient plus inquiétés, qu’ils ne vivent plus dans la peur, qu’ils puissent entrer et sortir du pays en toute liberté et dans le respect total de leur souveraineté. Et c’est exactement ce qui devrait être.

Un dernier mot ?
Pour conclure cette intervention, je plaide en faveur de la liberté économique. Je suis contre la fermeture économique, contre l’asphyxie ou la paralysie de l’économie. Je suis pour la liberté des prix, pour la liberté d’entrée et de sortie des marchandises et des biens économiques. C’est cela qui crée une dynamique économique. Lorsque l’on enferme les gens, lorsqu’on les restreint, ils chercheront forcément des moyens détournés, parfois non conformes, pour régler leurs affaires. Le meilleur exemple est le commerce de valise, qui est devenu une solution pour de nombreux jeunes souhaitant gagner leur vie de manière claire, officielle et sans aucune ambiguïté.
A.Ryad

ALGER 16 DZ

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