
À l’approche de la Coupe du monde de football 2030 qu’il coorganisera avec l’Espagne et le Portugal, le Maroc est confronté à une vague d’indignation internationale. En cause : un plan présumé d’abattage de près de trois millions de chiens errants dans les rues du royaume. Une campagne décrite par plusieurs organisations de défense animale comme un véritable massacre, dénoncé pour sa brutalité, son inefficacité et sa cruauté.
La Coalition internationale pour les animaux, composée de 20 ONG de protection animale à travers le monde, s’est élevée contre cette pratique, au moment où les vidéos et témoignages s’accumulent. Le gouvernement marocain, lui, assure que ces abattages ont cessé depuis août 2024. Mais ces déclarations peinent à convaincre les défenseurs des animaux, face à la réalité constatée sur le terrain.
Depuis plusieurs mois, médias internationaux et témoins oculaires évoquent un plan systématique d’élimination des chiens errants, qui prendrait de l’ampleur à mesure que l’échéance de la Coupe du monde approche. Des photos, des vidéos, mais aussi des témoignages directs décrivent des scènes glaçantes. “Presque tous les jours, des individus agissant au nom du gouvernement marocain parcourent les rues pour tirer sur les chiens avec des fusils et pistolets, les empoisonner et les attraper de manière brutale. Des chiens ensuite emmenés dans des installations pour y être tués de manière inhumaine”, dénonce la coalition.
Malgré les démentis officiels de Rabat, la Fondation française 30 Millions d’amis a adressé une lettre de protestation à l’ambassade du Maroc, en France, restée sans réponse. En parallèle, Reha Hutin, présidente de la fondation, a interpellé la Fifa par écrit, appelant Gianni Infantino à intervenir pour empêcher que cette compétition mondiale se transforme en prétexte à un carnage canin : «Intervenir auprès des instances marocaines pour que la Coupe du monde de football n’entraîne pas – en amont – la mort de millions de chiens.»
Des témoins décrivent une violence méthodique et insupportable
Les témoignages recueillis sur place confirment une intensification des captures et abattages depuis 2023, année de la nomination officielle du Maroc comme coorganisateur du Mondial. Julia, fondatrice du sanctuaire “Nos Amis pour la Vie”, raconte une scène vécue peu après son installation près de Marrakech :
“J’ai vu ce camion prendre des chiens, parfois avec des pinces, en les faisant souffrir… Ce qui m’a terrorisé, c’est la violence inouïe avec laquelle ils ont été attrapés.” Selon elle, les moyens ont évolué : “On voit qu’il y a eu un investissement de fait dans les camions. Ce ne sont plus les mêmes. Maintenant, ils sont plus discrets, comme pour pouvoir agir en attirant moins l’attention.”
Outre l’aspect moralement intolérable de cette politique, les spécialistes de la gestion animale dénoncent également son inefficacité sanitaire. Ali Izddine, protecteur des animaux, explique : “Le gouvernement marocain semble dépassé par les événements et ne pas se rendre compte qu’il ne sert à rien de capturer et de tuer des chiens pour réduire une population puisque les chiennes qui arrivent à échapper aux opérations de capture se reproduisent.”
Pire, “comme la nature a horreur du vide, la femelle aura encore plus de périodes de chaleurs et va faire encore plus de chiots. Ce qui ne fera qu’aggraver le problème…”. Le risque ? Une explosion de la population canine, des conflits territoriaux et une propagation accrue de maladies comme la rage. La seule alternative viable et éthique reste, selon lui, la stérilisation massive et le suivi sanitaire : «S’ils utilisaient les fonds dont ils disposent dans des vraies campagnes de stérilisation, d’ici le Mondial, on verrait des résultats ! »
Une Coupe du Monde déjà entachée
À cinq ans de son coup d’envoi, la Coupe du monde 2030 – qui se veut une célébration de l’unité sportive, est déjà plombée par des polémiques majeures, à commencer par celle de l’abattage massif de chiens errants. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ces critiques ne visent ni l’Espagne ni le Portugal, dont les politiques en matière de protection animale sont bien plus encadrées. C’est le Maroc qui concentre l’indignation internationale, de par la brutalité présumée de ses méthodes, son silence institutionnel et l’incapacité flagrante à mettre en place des solutions humaines, durables et respectueuses du vivant. Alors que la planète entière est sur la route du progrès et est prête pour célébrer le football, peut-on décemment détourner le regard face à ce qui s’apparente, pour beaucoup, à un massacre prémédité ?
G. Salah Eddine