La Coupe du monde des clubs 2025 : Une compétition si mauvaise que ça ?

Attendue depuis des années, scrutée comme un laboratoire du football moderne, et critiquée avec une véhémence rarement vue, la Coupe du monde des clubs 2025, pour sa première aux États-Unis, n’a laissé personne indifférent. Pensée par la Fifa comme le joyau d’une nouvelle ère, cette édition à 32 clubs soulève une interrogation fondamentale : assiste-t-on à l’apogée d’un football globalisé… ou au triomphe de sa dérive commerciale ?

Une compétition sous les feux de la critique
«Il faut que ça s’arrête», lâchait Toni Kroos, la voix empreinte d’un ras-le-bol partagé. La Coupe du monde des clubs 2025, au lieu de sublimer le football, l’a poussé à ses limites. Surmenés, épuisés, les joueurs ont enchaîné blessures et contre-performances. Kevin De Bruyne, Vinicius Jr., Haaland… les absents se sont multipliés, victimes d’un calendrier surchargé où cette compétition s’est greffée comme une contrainte de plus.
Et le fond n’a pas toujours trouvé grâce dans la forme. Dès la phase de groupes, des soupçons ont émergé : désignations arbitrales sujettes à caution, horaires «optimisés» pour les clubs les plus médiatiques comme l’Inter Miami, conditions logistiques inégales… Les accusations de favoritisme n’ont pas tardé à enfler sur les réseaux, écorchant l’image d’un tournoi présenté comme équitable et universel.
Le terrain de jeu, littéralement, a lui aussi posé problème. Niko Kovač, entraîneur du Borussia Dortmund, a fustigé la pelouse artificielle du MetLife Stadium, qu’il a comparée à «un green de golf». Des critiques partagées par plusieurs joueurs, contraints de jouer sur des surfaces inadéquates pour un tournoi de ce standing.
La logistique américaine, réputée huilée, a déraillé à plusieurs reprises. Vols longs et fatigants entre villes, retards récurrents dans les transferts, dysfonctionnements de la VAR… Le tout accompagné de conditions météo chaotiques : orages et suspensions de matchs à répétition — comme lors du Chelsea–Benfica — ont perturbé le bon déroulement de plusieurs rencontres. À cela se sont ajoutés des éléments pour le moins troublants : la présence visible d’agents de l’ICE et du CBP (les polices fédérales chargées de l’immigration et des frontières) dans les fan-zones a suscité malaise et appréhension, notamment chez les supporters étrangers. Des ONG ont pointé du doigt un climat perçu comme intimidant, avec des risques de profilage.
Mais l’un des signaux les plus inquiétants est venu ailleurs : le retrait discret des messages de lutte contre les discriminations, jusque-là affichés dans les grands tournois Fifa. Selon Human Rights Watch et Dignity 2026, la disparition des campagnes anti-racisme est un recul grave, symbole d’une compétition davantage préoccupée par le consensus commercial que par les valeurs universelles du sport. Un silence jugé dangereux par les acteurs de la société civile.
Et comme si cela ne suffisait pas, plusieurs matchs ont eu lieu devant des tribunes à moitié vides. L’image d’un tournoi mondial joué dans des stades clairsemés a terni l’ambition de la Fifa. L’instance a dû revoir à la baisse sa politique de vente dynamique, admettant que les prix — parfois supérieurs à 500 dollars — avaient freiné les supporters. Ce manque d’engouement visible a soulevé une autre critique majeure : le fossé croissant entre le football-spectacle mondialisé et les réalités du public populaire.
Enfin, la répartition des gains a achevé de creuser les tensions. Selon The Financial Express, 70 % des recettes ont été captées par les clubs européens, laissant les autres continents avec des miettes. Un déséquilibre qui interroge sur la sincérité du discours de «mondialisation» de la Fifa : ouvrir les portes à tous, oui, mais sans redistribuer équitablement les clés du coffre.
Et puis, il y a ce silence assourdissant sur l’environnement. Les jets privés se sont enchaînés comme des navettes, les vols domestiques ont explosé, les fan-zones climatisées à ciel ouvert ont tourné à plein régime. Le tout pour alimenter une machine de divertissement qui tourne à vide, pendant que la planète suffoque. L’empreinte carbone du tournoi est restée sans réponse, sans remords, sans réelle compensation. À l’heure des urgences climatiques, ce déni est plus qu’un oubli : c’est un aveu.

Mais faut-il jeter la Coupe avec l’eau du bain ?
Mais malgré ses défauts criants, la Coupe du monde des clubs 2025 n’a pas été qu’un terrain d’ombre. Elle a aussi laissé entrevoir ce que pourrait devenir le football de demain : un espace global, vivant, traversé par de nouvelles énergies.
D’abord, il faut souligner un fait incontestable : la portée mondiale de l’événement fut sans précédent. Plus de trois millions de spectateurs cumulés dans les stades, des pics d’audience en streaming jamais atteints, et une ferveur numérique qui s’est emparée des réseaux sociaux — TikTok, Instagram, X — où les hashtags du tournoi ont dépassé ceux de nombreuses compétitions continentales. Des métropoles comme Atlanta, Seattle ou Miami ont littéralement vécu au rythme du ballon rond, habitées par une effervescence sportive rarement observée hors Coupe du monde ou Jeux olympiques. Pour la première fois, un tournoi Fifa de clubs a véritablement touché un public jeune, urbain et planétaire.
Ensuite, sur le terrain même, une redistribution des cartes footballistiques a pu être observée. La montée en puissance de clubs venus d’Afrique, d’Asie ou du Moyen-Orient a marqué les esprits. Al-Hilal, Al Ahly, Wydad Casablanca, Palmeiras ou encore Urawa Red Diamonds, autant de noms qui ont prouvé que l’Europe n’était plus seule à pouvoir rêver en grand. Ce rééquilibrage progressif, certes encore fragile, annonce une ère où le football ne sera plus confiné à quelques hégémonies, mais tiré vers le haut par une réelle compétition mondiale.
Sur le plan technologique, l’innovation a été au cœur du tournoi. Caméras embarquées sur les arbitres, VAR projetée en direct dans les stades, intelligence artificielle utilisée pour juger les hors-jeu : les outils mis en place ont offert une expérience immersive inédite pour les fans, tout en garantissant une plus grande transparence dans les décisions. Tous ces dispositifs n’ont pas été parfaits, certes, mais ils tracent une ligne claire vers un arbitrage plus lisible et un spectacle mieux compris.
L’ambiance, enfin, fut à la hauteur d’un grand rendez-vous culturel et populaire. Les fan-zones géantes ont brassé des dizaines de milliers de supporters, les concerts ont attiré des artistes de renom, les événements culturels ont mis à l’honneur les diasporas du monde entier, et les villes hôtes ont su jouer la carte du métissage avec une énergie contagieuse. Là où certains redoutaient un tournoi aseptisé, l’Amérique s’est révélée hôte d’une fête plurielle, cosmopolite, à l’image du football lui-même.
Et au-delà du sport, cette coupe a aussi servi de plateforme géopolitique silencieuse mais puissante. La présence de chefs d’État, de diplomates, de figures influentes du monde de la culture et des affaires dans les tribunes VIP a montré, une fois encore, que le football est aujourd’hui un levier stratégique. À travers lui, se dessinent des alliances, s’affichent des récits nationaux, s’expriment des ambitions.

Vers une Coupe perfectible
La Coupe du monde des clubs 2025 n’est pas une réussite sans faille. Elle cumule même, à bien des égards, des contradictions profondes : entre universalité et exclusivité, entre progrès technique et surmenage, entre fête populaire et produit marketing. Mais elle a aussi le mérite d’ouvrir des brèches, de créer des ponts, d’annoncer un futur plus globalisé du football.
Plutôt que de l’enterrer, mieux vaudrait corriger ses excès : revoir le calendrier, renforcer la transparence, réduire son empreinte écologique, assainir la répartition des revenus, rééquilibrer les conditions logistiques… et surtout replacer le joueur et le supporter au centre du jeu. À ces conditions, la Coupe du monde des clubs pourrait devenir un pilier moderne du football mondial… à condition de ne jamais oublier que le spectacle n’a de valeur que s’il respecte l’esprit du sport.
Mais au-delà du sort de cette compétition, se pose un enjeu bien plus crucial : les États-Unis n’ont désormais plus droit à l’erreur. À moins d’un an du coup d’envoi de la Coupe du monde des nations 2026, le tournoi des clubs a agi comme un stress test grandeur nature. Et les résultats, s’ils ne sont pas catastrophiques, sont loin d’être rassurants. L’organisation devra impérativement être repensée : des stades mieux adaptés, une gestion plus humaine et équitable des flux de spectateurs, une stratégie tarifaire accessible, des infrastructures plus écologiques, et une meilleure coordination entre sécurité, logistique et atmosphère festive.
Le monde entier aura les yeux rivés sur l’Amérique du Nord en 2026. Il ne s’agira plus d’un laboratoire expérimental, mais de l’événement sportif le plus regardé de la planète. Il faudra plus que de la connectivité ou des écrans géants. Il faudra de la rigueur, de la vision, et surtout du respect : pour les joueurs, les supporters, et l’idée même que l’on se fait du football mondial.
La Coupe du monde des clubs 2025 a donc été une alerte. Un avertissement utile, à condition qu’il soit entendu.
G. Salah Eddine

ALGER 16 DZ

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