Gara Djebilet : En 2026, l’Algérie entrera dans l’ère minière

L’Algérie avance à pas mesurés, mais assurés, vers une nouvelle ère industrielle. À plus de 1.500 kilomètres d’Alger, au cœur du désert de Tindouf, la mine géante de Gara Djebilet se prépare à devenir le pivot d’un redéploiement stratégique des ressources nationales.

C’est dans ce cadre que le président-directeur général du groupe minier public Sonarem, Belkacem Soltani, a annoncé que « la première unité de traitement primaire du minerai de fer extrait de la mine de Gara Djebilet, d’une capacité de production de 4 millions de tonnes par an, sera opérationnelle à la fin avril 2026 ».

Cette échéance symbolique est bien plus qu’une simple mise en service : elle marque l’entrée concrète de l’Algérie dans une phase de valorisation souveraine de ses richesses minières, longtemps demeurées en friche.

Dans un entretien accordé à l’Algérie Presse Service (APS), M. Soltani a précisé que cette première usine, « réalisée au niveau de la mine avec une capacité de 4 millions de tonnes par an, procédera au concassage et au criblage de la matière première extraite et à sa séparation à sec pour être ensuite stockée puis transportée », ajoutant que les techniques utilisées permettront « d’atteindre un taux de récupération dépassant 85 % ».

Cette précision illustre la montée en puissance technologique du secteur minier algérien. Les procédés de séparation à sec, adaptés aux conditions climatiques du sud-ouest du pays, témoignent d’une maîtrise croissante des savoir-faire locaux.

Cette usine — dont la première pierre avait été posée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, fin 2023 — constitue le premier jalon d’un projet colossal. La mine de Gara Djebilet, considérée comme l’une des plus vastes au monde avec des réserves estimées à 3,5 milliards de tonnes de minerai, est appelée à devenir un moteur de développement régional, mais aussi un levier d’industrialisation nationale.

UN PARTENARIAT INDUSTRIEL TOURNÉ VERS LA SOUVERAINETÉ

En parallèle, les travaux se poursuivent à un rythme qualifié d’« accéléré » pour la réalisation de la première unité de production de concentré de fer — d’une capacité identique de 4 millions de tonnes par an — dans le cadre du partenariat entre la filiale Feraal (du groupe Sonarem) et le complexe Tosyali.

Ce partenariat algéro-turc s’inscrit dans une logique de chaîne de valeur intégrée : produire localement le concentré, le transformer en matière semi-finie, puis l’acheminer vers les unités sidérurgiques d’Oran.

À terme, l’extension de ce dispositif portera la production à 10 millions de tonnes par an de concentré et de boulettes de fer d’ici 2032, soit une échelle capable de repositionner l’Algérie sur la carte mondiale du fer industriel.

« Cette usine vise à produire un concentré de fer à haute teneur (63 %), avec une réduction du taux de phosphore, étape essentielle avant la production d’une matière semi-finie destinée au complexe Tosyali d’Oran », a expliqué M. Soltani.

La dynamique enclenchée à Gara Djebilet attire déjà les regards au-delà des frontières.

Selon le P-DG de Sonarem, « plusieurs grandes entreprises étrangères des États-Unis, d’Inde et de Chine sont très intéressées par l’investissement et la coopération dans le domaine des mines en Algérie, notamment dans la mine de Gara Djebilet ».

Des groupes de travail conjoints ont été créés pour accélérer les essais techniques et adapter les méthodes modernes de réduction du taux de phosphore, l’un des principaux défis de cette ressource brute.

Cette ouverture maîtrisée à la coopération internationale illustre une approche équilibrée : attirer les technologies et les capitaux, tout en préservant la maîtrise nationale du processus de transformation.

DES PROJETS MINIERS INTÉGRÉS À L’ÉCHELLE DU PAYS

Mais Gara Djebilet n’est que la pièce la plus visible d’un puzzle beaucoup plus vaste.

Dans la région Est, le projet intégré des phosphates progresse à grande vitesse. Ce chantier, appelé à faire de l’Algérie l’un des principaux exportateurs mondiaux d’engrais phosphatés et azotés, vise une production annuelle de plus de 4 millions de tonnes.

« Les groupes Sonatrach et Sonarem supervisent l’aménagement du terrain du projet », a précisé M. Soltani dans la suite de son entretien avec l’APS. Deux entreprises européennes — une italienne et une allemande — mènent les études techniques, dont la finalisation est prévue pour fin 2026, avant une phase de réalisation de 36 mois.

Ce calendrier ambitionne une entrée en production avant la fin de la décennie dans une perspective stratégique : faire de l’Algérie une puissance minérale régionale, au même titre que son rôle énergétique.

Le responsable a également mis en lumière le potentiel stratégique de la mine de Oued Amizour dans la wilaya de Béjaïa, considérée comme l’un des gisements polymétalliques les plus prometteurs du pays.

Avec 34 millions de tonnes de ressources exploitables, le site ambitionne une production annuelle de 170.000 tonnes de concentré de zinc et 30.000 tonnes de concentré de plomb, destinés à approvisionner à la fois le marché national et les filières d’exportation.

Les études techniques, menées selon les standards internationaux, sont désormais achevées, tandis que les autorités publiques travaillent à la régularisation juridique des terrains avoisinants, ultime étape avant le lancement effectif du chantier industriel.

Cette avancée marque une étape décisive vers la valorisation d’un sous-sol national longtemps sous-exploité.

En parallèle, le groupe Sonarem s’emploie à densifier le maillage industriel du pays à travers la mise en service, d’ici la fin 2025, de plusieurs nouvelles unités de production réparties sur le territoire national.

Parmi elles :

  • une usine de dolomite à Oum El Bouaghi,
  • une unité de carbonate de calcium fin à Constantine,
  • une usine de baryte à Médéa,
  • et une usine de diatomite à Mascara.

Ces infrastructures, à la fois modernes et complémentaires, visent à réduire la dépendance vis-à-vis des importations tout en créant des pôles miniers régionaux capables de soutenir la diversification économique nationale.

À travers ces chantiers structurants, l’Algérie confirme sa volonté d’ancrer durablement son développement industriel dans la transformation locale de ses richesses naturelles.

FORMER POUR DURER

Cette expansion, aussi ambitieuse soit-elle, ne saurait réussir sans une ressource rare : la compétence humaine.

Conscient de cet enjeu, M. Belkacem Soltani insiste sur le fait que la stratégie de Sonarem repose avant tout sur le développement du capital humain, en mettant l’accent sur les compétences spécialisées dans les divers domaines du secteur : géologie, ingénierie des procédés, maintenance, automatisation, sécurité industrielle.

Le P-DG souligne qu’il s’agit non seulement de former, mais aussi de fidéliser les talents nationaux pour garantir une transmission continue du savoir-faire au sein des structures du groupe.

Dans cette optique, Sonarem s’apprête à signer une convention de coopération avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, un partenariat stratégique visant à rapprocher le monde universitaire de la réalité industrielle.

L’objectif affiché est clair : aligner la recherche, la formation et la production, en développant des programmes conjoints, en créant des équipes scientifiques spécialisées et en favorisant l’ouverture de nouvelles filières universitaires directement liées aux besoins du secteur minier.

Parallèlement, le groupe prévoit un recrutement massif de 1.000 ingénieurs d’ici 2026-2027, destinés à renforcer les 12 filiales de Sonarem et à combler le déficit en ressources humaines qualifiées.

Ce plan de recrutement s’inscrit dans une logique de long terme : bâtir une élite technique nationale capable d’accompagner les transformations industrielles du pays.

En conjuguant formation, innovation et expertise, Sonarem entend faire de la compétence algérienne le moteur d’une renaissance minière durable, où la technologie et le savoir s’unissent pour valoriser le potentiel du sous-sol national.

UN VASTE PROGRAMME D’EXPLORATION

Dans la continuité de sa stratégie de valorisation intégrale du sous-sol national, le P-DG du groupe Sonarem, Belkacem Soltani, a mis en avant l’ambition de diversifier les ressources minières exploitées à travers un vaste programme d’exploration.

Ce plan, initié en 2021 et articulé autour de 26 projets de prospection et d’exploration, a permis, selon lui, « d’explorer des ressources minérales à valeur ajoutée dont la présence n’était pas prévue dans certaines régions, comme le lithium, le tungstène et le manganèse, en plus de plusieurs types de pierres rares et d’autres ressources ».

Ces découvertes, issues d’un travail scientifique méthodique mené sur tout le territoire, confirment la richesse géologique de l’Algérie et ouvrent la voie à un nouvel élan minier tourné vers les matériaux critiques indispensables aux industries de pointe.

Un nouveau programme d’exploration sera prochainement lancé, englobant 16 projets supplémentaires portant sur d’autres matières rares, notamment l’argile blanche (kaolin), utilisée dans la production de céramique fine.

À ce propos, M. Soltani a indiqué « qu’un partenaire italien manifeste un intérêt concret pour un projet capable de produire 2 millions de tonnes par an de cette matière », illustrant ainsi l’attrait croissant que suscite le secteur minier algérien auprès d’acteurs internationaux.

Ce nouveau cycle d’exploration vise à accroître la valeur ajoutée locale et à positionner l’Algérie comme un acteur émergent dans la chaîne mondiale des matériaux minéraux stratégiques.

S’agissant du lithium, composant clé dans la fabrication des batteries électriques de type LFP (Lithium-Fer-Phosphate), le responsable a précisé que « les études géologiques pour déterminer ses réserves se poursuivent sous la supervision de l’Agence du service géologique d’Algérie (ASGA) et de l’Office national de la recherche géologique et minière (ORGM), notamment dans les régions du Hoggar et de In Guezzam, en plus des chotts ».

En attendant leurs résultats, M. Soltani estime « qu’il est possible de préparer la fabrication de ce type de batteries rechargeables en valorisant les ressources locales, comme le fer et les phosphates, tout en important temporairement le lithium jusqu’à la disponibilité de la production nationale ».

Il a également souligné l’existence d’un partenariat multipartite entre Sonarem, Sonelgaz et l’Entreprise nationale des batteries, en vue de concrétiser un projet intégré pour la production de cellules LFP selon les normes internationales, avec l’appui scientifique du professeur Karim Zaghib, expert mondialement reconnu dans ce domaine.

Cette synergie entre recherche, industrie et énergie marque une étape déterminante vers la souveraineté technologique de l’Algérie dans les filières d’avenir.

G. Salah Eddine

ALGER 16 DZ

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