La marche vers Ghaza : Plein d’obstacles, beaucoup de volonté

Lors de l’émission L’Échiquier international, diffusée jeudi sur la chaîne de télévision AL24 News, des militants pacifistes de la caravane baptisée «La marche pour Ghaza» ont dénoncé les lourdes restrictions subies en Égypte, qui entravent leur accès à la bande de Ghaza. Venus du monde entier pour briser le blocus, ils se heurtent à une réalité sécuritaire et administrative étouffante.

Ils sont près de 4.000 militants, venus de plus de 40 pays, à converger vers l’Égypte avec un seul objectif : briser le blocus inhumain imposé à Ghaza. Rassemblés à Al-Arish, point de passage vers Rafah, ces hommes et femmes de toutes nationalités forment une colonne de résistance pacifique, déterminée à dire non à l’enfermement, à la faim, à la soif et à la mort lente infligés aux civils palestiniens.
Ce mouvement, baptisé « Al-Somoud » – la marche de la résistance – se dresse face à un silence international assourdissant. Ce matin encore, l’entité sioniste a frappé sans vergogne, visant des enfants à Rafah en quête de nourriture. Une attaque de plus qui illustre, de façon tragique, la réalité du blocus que cette marche entend dénoncer, à mains nues.
Mais le chemin vers Ghaza est semé d’embûches. Alors que les marcheurs s’apprêtent à franchir les frontières, les premières entraves administratives apparaissent : certains participants risquent déjà d’être refoulés par les autorités égyptiennes.

Essayer de briser les chaines du génocide
Sur place, Samuel Crettenand, militant pacifiste engagé dans cette action, a livré à AL24 News, un témoignage saisissant de la situation. Présent en Égypte depuis le 10 juin, il observe une montée en tension progressive de la part des autorités locales. «À partir du 10 au soir et du 11, les choses se sont gâtées puisque l’Égypte a clairement tenté une intimidation pour éviter que les militants viennent», raconte-t-il. Si lui-même a pu passer sans encombre, il souligne que la situation s’est rapidement dégradée : entre 100 et 200 militants ont été refoulés, parfois violemment. Malgré cela, il insiste sur la résilience collective : «Les gens ont une énergie incroyable. Je crois que tous, on a envie d’essayer de changer le jeu maintenant… de briser ces chaînes du génocide.» L’un des aspects les plus choquants de la situation sur le terrain est le traitement discriminatoire subi par les militants d’origine maghrébine, notamment les Algériens. «Systématiquement, les Maghrébins ou les personnes ayant une ascendance maghrébine ont été refoulés, particulièrement les Algériens. C’est incompréhensible… des Arabes qui s’en prennent à d’autres Arabes, on a beaucoup de mal à comprendre», déplore Crettenand. Ces décisions, souvent prises sans justification officielle, s’ajoutent à d’autres pratiques : fouilles ciblées pour identifier ceux qui transportent du matériel de camping, confiscation de passeports et de téléphones, voire expulsions sommaires de militants vers leurs pays d’origine. Certaines sources font même état de personnes renvoyées en France, sans lien direct avec les structures organisatrices de la marche.
Le passage vers Ghaza implique de traverser le Sinaï, zone hautement militarisée nécessitant une autorisation spéciale des autorités égyptiennes. Or, malgré la transparence affichée par les militants dans leurs démarches, les autorisations se font rares et les blocages nombreux.

Un cri d’alarme face à l’inaction internationale
Au-delà des enjeux logistiques, c’est un appel à la conscience mondiale que lancent les militants. Dans un contexte où les bombardements israéliens continuent de faire des victimes civiles, dont de nombreux enfants, comme l’attaque du matin même contre des jeunes de Rafah, les marcheurs veulent briser le silence, dénoncer l’impunité et faire pression pour mettre fin à ce qu’ils nomment «un génocide».
Malgré les obstacles, la détermination reste intacte. Des centaines de militants refoulés réservent déjà de nouveaux billets pour revenir. Des réseaux de solidarité se mettent en place, sur place comme à l’international, pour relayer les témoignages, organiser la logistique, et faire pression sur les chancelleries.
La marche vers Ghaza n’est pas qu’un déplacement physique. Elle est un symbole. Un refus de l’indifférence. Un engagement pour l’humanité.
Comme le conclut Samuel Crettenand : «Ce qu’il faut, c’est qu’on soit le plus possible pour mettre fin au génocide monstrueux qui est en train d’avoir lieu.»

La menace de l’expulsion
Parmi les participants à la marche, Olfa, militante pacifiste franco-algérienne, a également livré un témoignage poignant lors de la même émission, sur les conditions de rétention à l’aéroport. «On est détenus à l’aéroport depuis notre arrivée au Caire. On a passé une nuit blanche, pas très cool.» Dans un climat tendu, les autorités ont saisi les téléphones et passeports des militants à leur arrivée. Privés de nourriture et de boisson durant plusieurs heures, les marcheurs ont dû compter sur leur propre solidarité. «Tout a été financé par les marcheurs. Ce matin, ils nous ont quand même fait venir du thé, du café, de quoi manger.»

L’occident est mort à Ghaza
De son côté, le président de l’Institut international de recherche pour la paix (GIPRI), Gabriel Galice, n’a pas mâché ses mots lors de son intervention. Face à l’inaction de la communauté internationale, il a qualifié la situation à Ghaza d’«aberration totale». Parmi les soutiens du mouvement de la Marche mondiale pour Ghaza, il voit dans cette mobilisation une réponse directe à l’échec des politiques internationales.
Pour Galice, ce sursaut citoyen vient combler un vide laissé par des institutions incapables de faire cesser ce qu’il qualifie de massacre. «Depuis le temps que ce massacre se déroule, on ne voit pas d’infléchissement. Et je pense que ça ne suffira pas», déplore-t-il.

Le gouffre entre États et peuples
À ses yeux, les tentatives précédentes pour briser le blocus, qu’il s’agisse de flottilles turques ou européennes, ont échoué. Et la tragédie continue : «Les pauvres Ghazaouis continuent à mourir de faim, de soif, de privation de médicaments, et en plus de bombes.»
Face à ce constat, Galice défend des mesures plus audacieuses : «Il y a plus d’un an que j’ai proposé qu’il y ait des bateaux humanitaires encadrés par des navires de guerre pour les protéger.» Pour lui, seule une action déterminée, capable de se confronter à la militarisation du blocus, pourrait avoir un impact. L’un des constats les plus amers de Gabriel Galice concerne le fossé croissant entre les États et les citoyens. «On voit là la différence entre les États et les peuples.» Il cite notamment l’exemple de l’Allemagne, où même des membres du SPD commencent à se désolidariser de la ligne gouvernementale. Il s’agit, selon lui, d’un signe d’un basculement plus large : «Il se passe quelque chose dans la chair des peuples et dans la démocratie mise en œuvre par les peuples.»

L’impasse des frontières
Mais cette dynamique citoyenne se heurte à une dure réalité : celle des frontières militarisées. Le chemin vers Ghaza, depuis l’Égypte, reste soumis à des autorisations strictes. «On se heurte à une réalité militaire», affirme Galice. «À moins de vouloir sacrifier des centaines, voire des milliers de militants pacifiques, on ne peut pas forcer une frontière comme ça.»
Comparant la situation actuelle à celle du G8 d’il y a vingt ans, il rappelle : «À l’époque, entre la France et la Suisse, on n’était pas en situation de guerre. Là, les Égyptiens ne lèveront pas la frontière. »
Alors que la bande de Ghaza continue de s’enfoncer dans une crise humanitaire sans précédent, étouffée par un blocus implacable et des bombardements indiscriminés, la communauté internationale persiste dans son silence coupable. Face à cette tragédie, la Marche mondiale vers Ghaza portait l’espoir d’une mobilisation citoyenne capable de briser l’indifférence.
Mais à peine entamée, cette initiative a été entravée, stoppée net aux portes de l’Égypte, révélant une fois de plus la puissance des frontières, plus soucieuses de l’ordre géopolitique que de la vie humaine. Si la marche n’a pas atteint son but géographique, elle a néanmoins dévoilé l’ampleur d’un malaise mondial : celui d’un monde où la solidarité peine à franchir les murs érigés par la peur, les intérêts et le cynisme.
G. Salah Eddine

ALGER 16 DZ

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