Ali Maâchi, la voix de l’Algérie libre

Le 8 juin 1958 s’éteignait dans la douleur et la dignité l’un des plus grands symboles de la chanson patriotique algérienne : Ali Maâchi. Soixante-sept ans plus tard, sa voix résonne encore dans les mémoires comme celle d’un artiste-martyr, d’un chantre de la liberté, tombé pour que l’Algérie se relève. À travers son art, il aura incarné l’âme révolutionnaire d’un peuple opprimé, tout en portant avec courage l’étendard d’une culture que le colonialisme voulait effacer. Né le 12 août 1927 à Tiaret dans une famille modeste, Ali Maâchi a très tôt goûté à la rudesse de la vie sous domination coloniale. Contraint d’interrompre ses études pour soutenir son père dans les travaux agricoles, il grandit au rythme des humiliations infligées à ses compatriotes par l’administration coloniale et l’armée française. Ces injustices quotidiennes forgeront en lui une conscience politique aiguë et l’élan irrépressible d’un engagement artistique au service de la cause nationale. À un peu plus de 20 ans, il est envoyé pour accomplir son service militaire à Bizerte, en Tunisie, dans une base française. C’est là qu’il acquiert une formation technique qui, une fois de retour en Algérie, lui ouvre les portes de la Radio nationale, en tant que technicien. Ce nouvel environnement l’immerge dans le monde artistique et lui offre les moyens d’exprimer pleinement son talent musical. En 1953, à seulement 26 ans, il fonde à Tiaret son premier orchestre baptisé Safir Ettarab – L’ambassadeur de la chanson. Ce groupe, composé de musiciens animés par le même idéal, se distingue par un style bédoui modernisé, enraciné dans le patrimoine musical algérien. Leur particularité ? Chanter exclusivement les textes de Maâchi, porteurs de rêves d’indépendance, de dignité retrouvée, et de résistance culturelle. Les membres de l’orchestre, habillés aux couleurs de l’emblème national, affirmaient, par leur simple présence sur scène, une volonté inébranlable de lutter contre l’effacement identitaire imposé par la colonisation. Leur musique devenait un acte militant, un cri d’amour pour l’Algérie. Parmi les œuvres phares d’Ali Maâchi, Angham El Djazair (Les mélodies de l’Algérie), enregistrée en 1956, s’impose comme un chef-d’œuvre intemporel. Par sa richesse lyrique et rythmique, elle puise dans les grandes traditions musicales du pays pour affirmer une identité plurielle et indomptable. Plus qu’une chanson, elle devient un hymne à la résistance, un rempart contre les tentatives de déculturation et de dépersonnalisation imposées par le régime colonial. Mais Ali Maâchi n’était pas qu’un artiste. Il était un militant, un résistant de l’ombre. Au déclenchement de la guerre de Libération nationale, lui et les membres de Safir Ettarab prennent le chemin du maquis. Certains en paieront le prix fort : Mokhtar Okacha et Larbi Hachemi Oueld El-Garde tombent les armes à la main ; le violoniste Mostefa Belarbi est emprisonné et torturé en 1957 ; Zekri Moulay, Mekki Benaouda, et Abdeslem Mustapha rejoignent, eux aussi, les rangs de la lutte armée. Le 8 juin 1958, Ali Maâchi est capturé par l’armée coloniale française, en même temps que deux de ses compagnons, dont Mohamed Djahlane. Après avoir été atrocement torturés, ils sont exécutés sans procès. Dans un ultime geste d’ignominie, leurs corps sont exhibés publiquement sur la place centrale de Tiaret, en guise d’intimidation. Loin de faire plier les consciences, ce crime barbare renforcera encore davantage l’aspiration du peuple algérien à la liberté. Depuis 1997, l’Algérie rend hommage à cette figure emblématique, en célébrant chaque 8 juin la Journée nationale de l’artiste. En 2006, le prix Ali-Maâchi du président de la République est institué pour récompenser les jeunes créateurs de toutes les disciplines artistiques, perpétuant ainsi la mémoire d’un homme qui fit de sa voix une arme et de sa musique un drapeau. Ali Maâchi n’aura pas eu le temps de voir l’Algérie libre, mais il en a chanté l’espoir avec tant de force, de passion et de sincérité, que son nom est désormais inscrit dans l’histoire non seulement comme un poète et un chanteur, mais comme un combattant de la liberté.
G. S. E.

ALGER 16 DZ

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