
En Algérie, chaque rentrée scolaire prend des allures d’événement national. Cette année, plus de 12 millions d’élèves reprennent le chemin des classes pour une année scolaire qui s’annonce charnière pour le système éducatif. En effet, entre la modernisation pédagogique, la santé scolaire et la lutte contre la surcharge des classes, cette rentrée s’annonce aussi comme un véritable baromètre des réformes engagées. Dans ce contexte, l’école algérienne apparaît à la fois comme un défi et un espoir partagé par toute la société. Au cœur de cette dynamique, Djamila Kheyar, présidente de la Fédération nationale des parents d’élèves, s’impose comme une voix essentielle.
Par son expérience et son engagement, elle accompagne les familles, veille aux conditions d’apprentissage et défend une vision de l’école centrée sur l’enfant. C’est dans cet esprit qu’Alger 16 a eu l’honneur de s’entretenir avec elle, afin de recueillir son analyse sur l’état de préparation des établissements et les grands chantiers qui attendent le système éducatif algérien.
Entretien réalisé par G. Salah Eddine
Alger16 : Comment évaluez-vous l’état de préparation des établissements scolaires pour la rentrée 2025-2026 ?
Djamila Kheyar : Il faut reconnaître qu’un effort considérable a été fourni. Depuis presque un mois, des opérations de nettoyage et de remise en état ont été engagées dans la majorité des établissements. Durant tout l’été, des instructions claires ont été données : réparations, entretien des chaudières, vérification des systèmes de chauffage, rénovation des cuisines… Bien sûr, tout dépend aussi du dynamisme de chaque chef d’établissement.
Mais globalement, nous avons constaté une mobilisation de plusieurs secteurs : l’Intérieur, l’Éducation nationale, la Santé… tous unis pour le bien-être de l’élève. C’est une excellente chose. D’ailleurs, la rentrée fixée au 21 septembre nous a laissé davantage de temps pour finaliser la réception de nouvelles infrastructures, notamment des groupements scolaires, ce qui va soulager les établissements déjà saturés.
Pour nous, la rentrée est toujours une grande fête nationale. Elle ne concerne pas seulement l’école : c’est une question sociale qui engage l’État, la société et bien sûr les familles.
Justement, quel rôle entend jouer la Fédération des parents d’élèves cette année pour renforcer la collaboration entre familles, enseignants et ministère ?
Notre rôle est d’être présent sur le terrain. Nous avons multiplié les actions de sensibilisation, d’accompagnement et de coordination avec l’administration. Cette année, la numérisation généralisée a demandé un accompagnement particulier : de nouvelles plateformes ont vu le jour pour les parents, les inscriptions, le suivi scolaire… Il fallait donc expliquer, rassurer et guider les familles.
Au niveau des associations locales et des coordinations de wilaya, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les directeurs de l’éducation et les walis. Un exemple concret : la gestion de la prime scolaire, désormais confiée au ministère de la Solidarité. Comme c’était une nouveauté, nous avons dû travailler d’arrache-pied en juillet et août pour que les aides arrivent à temps sur les comptes des familles. Ce fut difficile, mais hamdoulilah, nous y sommes parvenus.
Cette année, plus de 12 millions d’élèves ont rejoint les bancs de l’école. La question de la surcharge des classes se pose avec insistance chaque année. Quelles solutions concrètes préconisez-vous ?
La surcharge est un problème réel. Cette année, c’est plus du quart de notre population.. c’est une éternelle question.
Nous commençons à voir des solutions : de nouveaux établissements ont été réceptionnés, des extensions de classes ont été ouvertes. Tout cela contribue à soulager les infrastructures existantes.
Il est évident qu’un enseignant face à 45 élèves ne peut pas dispenser son cours dans de bonnes conditions. Réduire les effectifs par classe, c’est offrir à l’élève et à l’enseignant de meilleures chances de réussite.
Vous évoquiez la numérisation. Pensez-vous que l’école algérienne intègre suffisamment les nouvelles technologies ?
Oui, et c’est une avancée majeure. De nombreuses plateformes sont désormais accessibles : inscriptions en ligne, suivi scolaire à distance, changement d’établissement sans se déplacer… Cela réduit la bureaucratie et facilite la vie des familles.
Il reste évidemment des difficultés : problèmes de connexion, parents encore peu familiarisés avec ces outils… Mais globalement, les familles sont réceptives et de plus en plus à l’aise. Chaque année, les choses s’améliorent.
D’aillleurs, en tant que fédération, avez-vous constaté une évolution dans l’attitude des parents vis-à-vis de ces innovations ?
Absolument. Les parents sont très réceptifs, car quand il s’agit de l’avenir de leurs enfants, rien n’est trop difficile. Certes, il a fallu répéter, sensibiliser, réexpliquer… mais aujourd’hui, les familles commencent à se roder. Elles apprécient surtout de ne plus avoir à se déplacer inutilement. C’est un soulagement.
Enfin, au-delà de cette rentrée, quels sont, selon vous, les grands chantiers prioritaires pour améliorer le système éducatif et préparer les élèves aux défis de demain ?
C’est une question très importante et surtout très vaste. Je dirais qu’aujourd’hui plusieurs chantiers sont déjà engagés, notamment l’allègement progressif des programmes du primaire : première, deuxième et désormais troisième années. Cela correspond à une revendication ancienne de la fédération. L’enfant doit d’abord apprendre à écrire, à compter, à lire correctement, avant d’être submergé par des contenus trop lourds.
Autre grande avancée : le retour du sport scolaire, encadré par des spécialistes, qui favorise le développement physique et social de l’enfant.
Mais il reste encore du chemin : revoir l’organisation du baccalauréat, pourquoi pas en deux étapes pour alléger la pression ; élargir l’utilisation des tablettes et garantir l’égalité d’accès aux outils numériques pour tous les élèves d’Algérie.
Le plus important, c’est que la volonté politique existe aujourd’hui. Il faut maintenant mobiliser davantage de moyens pour donner les mêmes chances à tous nos enfants.
Un dernier mot ?
Je souhaite une excellente rentrée à nos 12 millions d’élèves, à leurs enseignants, aux cadres administratifs, à toute la communauté éducative. Que cette année soit porteuse de succès, de joie et de sérénité pour tous.
G. S. E.