
Les relations entre l’Algérie et la France ont récemment été marquées par des tensions notables. Dans une interview exclusive à Alger16, Said Nefissi, vice-président du parti El-Bina, partage sa vision de la scène politique actuelle, abordant les défis du pays, les perspectives d’avenir et la position de son parti face aux enjeux nationaux.
Entretien réalisé par
Ammour Ryad et G. Salah Eddine
Lors d’un entretien accordé au journal français L’Opinion, le président de la République a insisté sur plusieurs questions, les relations algéro-françaises, l’économie, le Sahara occidental, la Palestine… Votre analyse sur cela…
Il s’agit d’un entretien que le président de la République a accordé au journal français L’opinion», qui a une grande résonance internationale en ce moment crucial. Le chef de l’Etat a mis en avant l’importance de la culture de la communication avec la société et à travers les médias, notamment par des rencontres régulières avec la presse algérienne et, de temps à autre, avec des médias internationaux, afin d’éclairer l’opinion publique sur les enjeux et la vision de l’Algérie, surtout dans le contexte des dynamiques actuelles qui se produisent dans le monde et qui nécessitent une présence forte. En outre, l’Algérie est devenue un pays central dans sa région, et il est de son devoir en tant qu’État de promouvoir ses politiques et sa vision, dans un contexte où il y a une concurrence, des contradictions d’intérêts, ainsi qu’un changement dans les stratégies de certaines puissances influentes. Ce dialogue met en lumière la vision de l’Algérie concernant ses relations, qu’il s’agisse des relations algéro-françaises, de l’évaluation de la situation économique nationale, du soutien aux causes justes telles que la Palestine et le Sahara occidental, ou encore des réformes économiques qui se déroulent à l’intérieur du pays et de leurs répercussions sur la politique économique de l’Algérie, en particulier avec les pays voisins et le reste du monde. Il s’agit donc d’un entretien qui intervient à un moment crucial et d’une grande importance.
L’Algérie demande à la France de nettoyer les déchets nucléaires sur son territoire. Pensez-vous qu’il y a une pression suffisante sur la France pour qu’elle se conforme à cette exigence ? Et comment l’Algérie pourrait-elle parvenir à cet objectif sur les plans politique et juridique ?
La demande de l’Algérie envers la France de nettoyer ses déchets des essais nucléaires dans la région de Reggane et ses environs est, d’abord, une question d’éthique. C’est le minimum pour exprimer ou démontrer les bonnes intentions de la France envers son passé colonial et pour traiter ses conséquences, car la question est d’abord éthique. Ensuite, d’un point de vue juridique, ce que la France a fait, c’est exploiter un pays qu’elle a occupé de manière injuste et agressive, en réalisant un acte qui a des répercussions à long terme sur la santé humaine et l’environnement. Il est de son devoir de s’engager à défendre ou à rectifier ces erreurs. Je pense qu’il est du droit de l’Algérie de continuer à demander et du devoir de la France de répondre. Les conditions du droit international permettent qu’en cas de révision par la France et de correction de son parcours dans les relations avec l’Algérie, cela fasse partie d’une démarche de bonne volonté, d’un gage de la bonne direction à prendre pour construire des relations basées sur une coopération respectueuse de la mémoire, de la prise en charge des effets du colonialisme français, et de la perspective d’un futur sûr et fructueux de coopération entre les deux pays.
Récemment, les relations entre l’Algérie et la France ont connu des tensions notables. Comment voyez-vous le rôle que l’Algérie doit jouer dans ses relations avec la France dans ces circonstances ? Pensez-vous qu’il existe une possibilité d’améliorer ces relations à l’avenir ?
Les relations algéro-françaises n’ont jamais connu de tensions ni de zones d’ombre comme celles observées récemment. Nous affirmons que l’Algérie est un pays pacifique et n’a jamais été une source de ces tensions. Elles sont dues aux comportements français émanant de plusieurs parties, notamment l’extrême droite et certains cercles de la présidence française, qui semblent être influencés par des agendas ou des lobbies d’extrême droite, ainsi que par ceux qui cherchent à exploiter la situation pour leurs intérêts, en essayant de raviver le passé colonial de la France. Ce sont ces groupes qui ont provoqué ces tensions, et ce que l’Algérie a fait, c’est répondre de manière naturelle, diplomatique et conforme aux lois face à ces parties.
Dans le même contexte, je cois que, l’Algérie est soucieuse de préserver les relations historiques entre l’Algérie et la France, avec leurs complexités ainsi que leurs intérêts communs. L’importance des deux pays de part et d’autre de la mer Méditerranée, et leurs options communes, exigent que la France soit appelée à cesser ou à arrêter cette escalade et à revenir à un dialogue fondé sur le respect mutuel, le non-interventionnisme dans les affaires internes des autres pays, et le respect des engagements internationaux de la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Il est supposé qu’elle défende avant tout les résolutions officielles des Nations unies et de ses institutions, notamment le Conseil de sécurité, concernant les causes justes, y compris la question du Sahara occidental et celle de la Palestine. Dans ces conditions et dans ces principes communs, nous pensons que l’intérêt de la France, qui est le plus grand perdant dans l’escalade de ces relations, est de revenir sur le droit chemin et de réparer ce qu’elle a endommagé par ses déclarations et positions récentes.
Le président de la République a annoncé que l’Algérie pourrait devenir un pays émergent d’ici deux ans, atteignant un PIB de plus de 400 milliards de dollars. Quels sont, selon vous, les principaux défis à surmonter pour atteindre cet objectif dans un délai aussi court ?
Créer un bond économique pour que l’Algérie soit classée parmi les pays émergents dans les deux prochaines années, cela implique un ensemble de prémisses logiques et réalistes dictées par le facteur économique.
En même temps, le facteur temps exerce une pression, en présence de prémisses telles que les mines et les chemins de fer.
Il est nécessaire d’étendre le cercle et la taille des entreprises émergentes, moyennes et petites. Toutes ces entreprises peuvent faire progresser l’Algérie dans ses efforts sans dettes extérieures.
De même, il faut s’intéresser à la classe moyenne des hommes d’affaires, notamment ceux qui sont des milliers, ainsi qu’à leurs entreprises, en facilitant l’exécution et l’application de la loi sur les investissements et des textes réglementaires qui y sont liés. Il faut aussi traiter, dans les plus brefs délais, la question des terrains industriels et agricoles et offrir les facilités nécessaires aux acteurs économiques.
De même, il faut ouvrir les entreprises et faciliter leurs procédures administratives, que ce soit des entreprises internes entre l’État et les entreprises locales ou avec les entreprises étrangères.
Il est aussi important de développer les banques, notamment en matière de techniques bancaires, c’est-à-dire la question de la monnaie, et de s’activer dans ce domaine.
Un autre facteur très important est la question de la numérisation, qui doit atteindre son plein potentiel avec rigueur dans son application, tout en traitant les déséquilibres existants.
Il me semble qu’en tenant compte de ces facteurs et en orientant le soutien social pour qu’il soit destiné uniquement à ceux qui en ont besoin, toutes ces actions confirmeront ce parcours, si Dieu le veut, en plus, bien sûr, de préserver notre front intérieur solide et les acquis de la sécurité et de la stabilité, qui ne doivent en aucun cas être sujets à débat ou à relâchement. Car c’est dans un cadre de stabilité politique, légale et institutionnelle qu’on peut ouvrir la voie au succès économique, et le critère fondamental pour atteindre cela est l’investisseur.
Boualem Sansal a récemment déclenché une polémique infondée remettant en cause l’intégrité territoriale de l’Algérie. Comment réagissez-vous à ces déclarations et quelles mesures devraient être prises face à ce genre de discours ?
Les déclarations de Sansal ne sont, en tout cas, pas surprenantes. Elles sont une extension des déclarations précédentes menées par les porte-parole du régime du Makhzen au Maroc, parmi les érudits, les intellectuels et les hommes politiques, dans des allégations sans fondement, ni dans l’histoire ni dans la géographie. Leur objectif est de tenter de faire pression, de semer la confusion, d’éveiller l’inquiétude. Il y a des forces obscures qui tentent de capitaliser sur de telles déclarations. La seule solution dans ces affaires est la fermeté dans l’application de la loi, un renforcement de la cohésion interne, l’unification des visions et la non-succumbance à ces rumeurs et suspicions soulevées par les ennemis de l’Algérie pour des objectifs clairs d’expansion du régime du Makhzen, en alliance avec la soumission et l’influence des forces qui les soutiennent. Et ces manœuvres ne trompent que quelques individus déviants, tant sur le plan intellectuel que psychologique, qui tiennent de telles inepties, qui n’ont ni fondement ni acceptation parmi les Algériens.
Plusieurs médias français, notamment ceux appartenant à Vincent Bolloré, sont accusés de mener une campagne hostile contre l’Algérie. Selon vous, quelle est la meilleure manière pour l’Algérie de contrer cette image négative et de défendre ses intérêts sur la scène médiatique internationale ?
La campagne médiatique qui a été lancée et qui continue de la France contre l’Algérie, visant à la diffamer et à semer le doute, que ce soit sur son histoire, ses institutions, ou en tentant de répandre des rumeurs sur la situation intérieure de l’Algérie, n’est pas surprenante, ni venant de la France ni de ceux qui la soutiennent et suivent sa ligne. Elle provient également des porte-parole médiatiques du régime du Makhzen marocain, des porte-parole médiatiques de l’entité sioniste, ainsi que de certains régimes fonctionnels qui nourrissent de l’animosité envers l’Algérie sans raison réelle ni objective, ainsi que d’autres porte-parole médiatiques, y compris certains de l’Algérie, qui se sont détachés de leur identité et qui haïssent leur pays de l’autre côté de la mer. Toutes ces voix se briseront face à un front intérieur uni, à une conscience croissante au sein du peuple algérien et particulièrement chez la jeunesse, qui doit continuer plus que jamais à se mobiliser collectivement dans le domaine médiatique en Algérie, à travers une charte d’honneur qui rassemble tous les médias, peu importe leurs divergences ou leurs orientations, afin qu’il y ait une charte d’honneur à laquelle l’Algérie doit s’engager, pour défendre la patrie, l’unité de la nation, les institutions de la nation, les constantes de la nation, et les intérêts de l’Algérie. Même si des divergences existent entre nous sur certaines questions internes de l’Algérie, il n’y a aucun mal à cela, mais il s’agit avant tout de préserver l’unité nationale.
A. R. et G. S. E.