Akram Kharief, Chercheur spécialiste en défense et sécurité, à Alger16 : «L’objectif de l’Iran est de faire disparaître les stocks de missiles anti-aériens israéliens»

Akram Kharief, analyste géopolitique et sécuritaire, fondateur du média spécialisé Menadefense, décrypte avec clarté et précision les reconfigurations militaires et stratégiques au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et au-delà, là où se dessine souvent l’avenir des équilibres mondiaux. Le spécialiste de la question sécuritaire livre, dans cet entretien accordé à Alger16, une lecture éclairée de l’escalade actuelle entre l’Iran et l’entité sioniste, dans un contexte de transformation profonde des doctrines de dissuasion et des rapports de force régionaux.

Entretien réalisé par G.Salah Eddine

Pensez-vous que l’Iran a désormais opté pour une nouvelle doctrine de dissuasion directe, en assumant des frappes ouvertes contre l’entité sioniste ?
En 2024, l’Iran n’avait pas hésité à envoyer des salves de missiles balistiques contre l’entité sioniste. Là, nous sommes passés à une autre phase qui est la tentative de destruction des défenses de l’entité sioniste et l’élimination de certaines cibles militaires stratégiques.

Peut-on affirmer que l’Iran a réussi à saturer temporairement le Dôme de fer et que nous dit cette évolution sur la vulnérabilité de la bulle défensive sioniste face à une puissance régionale conventionnelle ?
Le Dôme de fer n’a pas pour vocation de contrer des missiles balistiques mais des roquettes de courte portée et dans la confrontation avec l’Iran, il est totalement inefficace. Les Israéliens utilisent une défense anti-aérienne multicouche allant jusqu’à l’interception dans l’espace des missiles avec le THAAD américain et le David Sling qui ont cette capacité. Pour ce qui est de l’interception à l’intérieur de l’atmosphère, ils ont des missiles Arrow II et III. Tout cet arsenal est efficace, surtout que la surface à défendre est juste de 25000 km². Mais il n’est pas taillé pour des attaques massives ou de la saturation quotidienne. On voit au fil des jours que l’Iran a besoin de moins de missiles pour assurer une frappe. Ce matin (mardi), une salve de 10 missiles a eu un taux de réussite de 40%, ce qui est énorme. L’objectif de l’Iran est de réduire et faire disparaître les stocks de missiles anti-aériens israéliens pour lancer de nouvelles campagnes de drones ou d’autres types de missiles.

Des pays arabes, même ceux qui étaient opposés à l’Iran, observent la crise avec prudence. Certains ont même affiché un soutien pour les Iraniens. Peut-on s’attendre à une recomposition des alliances, voire une réactivation des dialogues stratégiques, notamment le dialogue Riyad-Téhéran ?
Probablement pas, des pays arabes resteront prudents à cause de l’alliance entre les USA et les sionistes. Leurs intérêts économiques avec les USA joueront énormément dans leur alignement.

La rhétorique iranienne qui proclame la sortie du TNP constitue-t-elle un tournant crédible ou un levier de négociation ? Et quelles seraient les conséquences d’un retrait formel sur l’équilibre stratégique régional ?
La sortie du TNP est une sorte de levée de fatwa légalisant la poursuite et l’aboutissement du programme nucléaire militaire. Au-delà du simple enrichissement de l’uranium, il s’agira de produire du plutonium, de fabriquer la bombe puis travailler sur sa géométrie pour l’adapter à un vecteur missile. Cette guerre prouve à la République islamique qu’il est nécessaire d’avoir des garanties par la terreur nucléaire.

Donald Trump a demandé aux civils de Téhéran d’évacuer… Les États-Unis vont-ils s’impliquer aussi tôt d’une manière directe dans le conflit ?
Donald Trump se contredit beaucoup, il subit d’énormes pressions de la part des Israéliens pour intervenir mais il a aussi conscience qu’une guerre totale avec l’Iran conduirait à l’enrayement de la production mondiale d’hydrocarbures et donc une catastrophe économique pour Washington. Pour s’engager aux côtés de l’entité sioniste, Trump a besoin de vraies raisons comme une frappe sur le réacteur de Dimona, la destruction de l’ambassade ou une frappe contre des bases américaines.

Si l’escalade continue, quels sont, selon vous, les scénarios possibles à court terme (1-3 mois) ?
Je ne pense pas que cette guerre s’inscrira dans la durée à cause de son caractère strictement aérien. Sans attaques terrestres, les stocks s’épuisent vite et les accrochages ne durent pas longtemps. A mon avis, il faudra compter en semaines. Si les USA interviennent militairement, l’Iran sera détruit et ne manquera pas de se venger sur les installations pétrolières dans le Golfe. Si les USA choisissent l’option diplomatique, c’est possible qu’il y ait un cessez-le-feu rapide. En cas de non-intervention américaine, il est difficile de pronostiquer la suite, car si les Iraniens accusent des succès quotidiens avec leurs missiles, les sionistes grappillent du terrain en détruisant chaque jour plus de défenses anti-aériennes iraniennes. C’est une véritable course contre-la- montre, difficile à gagner par les deux adversaires.
G. S. E.

ALGER 16 DZ

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