
Rencontré lors des travaux des Assises nationales sur le cinéma, le comédien Hichem Mesbah, connu pour son rôle de Lotfi dans la célèbre série Imarat El Hadj Lakhder diffusée l’année dernière, a marqué les esprits par sa prestation. Lors de cette rencontre, l’acteur a pris la parole avec une grande sincérité et une remarquable modestie. Dans cet entretien accordé à Alger16, M. Mesbah a abordé des sujets cruciaux concernant l’évolution de la cinématographie nationale, en partageant son point de vue sur les défis actuels du secteur. Avec honnêteté, il a évoqué les enjeux liés à la production cinématographique, la formation et l’accès à la culture cinématographique, tout en mettant en avant l’importance d’une vision collective et d’un soutien renforcé pour la promotion du cinéma algérien.
Entretien réalisé par Ammour Ryad
Dans un monde où l’avenir du cinéma est perçu de manière prospère, en tant qu’acteur, quelle est votre vision du cinéma national et comment pourrait-elle évoluer dans les prochaines années ?
Ma vision du cinéma algérien est déjà historique. Depuis notre plus jeune âge, nous avons grandi en face des petits et des grands écrans. Cela grâce à la famille, grâce au papa, à la maman, aux grands frères qui nous ont initiés à regarder des films et à avoir cette capacité de pouvoir analyser des films. Voir des films, c’est toute une culture qui manque beaucoup à cette nouvelle génération, voilà.
Maintenant, le cinéma actuel renaît de ses repères. Nous avons des jeunes cinéastes excellents, qui réalisent des courts et des longs-métrages qui font l’événement dans les grands festivals à travers le monde. Vous avez l’exemple récent de Chakib Taleb Bendiab, avec son film 196 mètres, qui a remplit les salles à Alger et à Paris. Donc, il y a un engouement, il y a véritablement une demande du public algérien à aller vers les salles de cinéma et voir le produit algérien.
Le cinéma, tant à l’échelle internationale que nationale, fait face à des enjeux majeurs. Fort de votre expérience, quels sont les défis auxquels les réalisateurs et les acteurs sont confrontés aujourd’hui, notamment en Algérie ?
Les défis, c’est d’abord élever le niveau des scénarios, la façon d’écrire. Il ne faut plus écrire au premier degré, il faut toujours viser le troisième degré, car le public n’est pas dupe, il n’est pas élémentaire, il est très réfléchi. Donc, le premier défi est d’offrir de la qualité aux produits cinématographiques. Le deuxième défi est d’organiser des sorties de films avec promotion, en collaboration avec les comédiens, les producteurs, les distributeurs, vers les salles de cinéma, en présence de tous les acteurs, et d’accueillir le public avec des débats. Troisièmement, il faut faire sortir ces films à l’international. C’est un objectif crucial, car il est important que le public étranger n’ait plus cette image cliché de l’Algérien. Nous savons aussi faire des thrillers, des films hitchcockiens, des films sociaux, mais traités de manière très universelle. Entre parenthèses, nous avons trop laissé les autres faire les films à notre place, alors que nous avons notre propre vision.
L’investissement dans le cinéma occupe une place phare dans le secteur culturel, notamment en Algérie. Selon vous, comment le cinéma algérien pourrait-il séduire davantage d’investisseurs ou obtenir un soutien institutionnel plus important ?
Eh bien écoutez, pour les investissements, tout simplement, comme l’ont déclaré le président Tebboune et le ministre de la Culture et des Arts, il faut faciliter les autorisations de tournage et alléger les barrières bureaucratiques qui, sincèrement, entravent le bon déroulement des tournages. Il faut arrêter de penser que tout le monde cherche à nous nuire. Bien au contraire ! Nous, les acteurs du cinéma, qu’ils soient comédiens, producteurs ou autres, nous sommes là pour la préservation et le rayonnement du pays. Il est donc important de faciliter la coproduction et de faire en sorte que les gens se sentent chez eux.
Vous savez, pour créer une œuvre cinématographique, il faut être serein et à l’aise dans sa tête. Ainsi, oui, facilitons les choses et soyons les garants du bon déroulement du cinéma algérien et des tournages.
Etant donné l’évolution de votre carrière et le développement croissant dans tous les domaines, en particulier dans le cinéma et l’intelligence artificielle quels conseils donneriez-vous aux jeunes réalisateurs et acteurs qui débutent dans l’industrie cinématographique ?
En toute franchise, l’académisme et la formation sont importants, mais il est aussi possible de ne pas passer exclusivement par les académies. Il est essentiel de nourrir sa culture en visionnant de nombreux films classiques et contemporains, en lisant beaucoup de livres sur le cinéma et l’histoire du cinéma, qu’il soit universel ou algérien. Il faut aussi aller au théâtre, voir des œuvres en live et ainsi développer une culture solide. C’est cette base qui permettra de stimuler l’imagination et de nourrir la créativité. Voilà, selon moi, ce qu’un jeune Algérien doit faire.
A. R.